Histoire d'un chœur

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La fondation de la Schola Cantorum de l'Orne

« La grande œuvre de M. l’abbé Marais, ce fut la Schola Cantorum de l’Orne.

Il a créé cette association, l’a développée et organisée.

Alors qu’il était curé d’une humble paroisse de campagne, à Fontaine-les-Bassets, non loin de Trun, dans un pays où l’on aurait pu croire que tous les éléments d’une pareille entreprise faisaient défaut, il sut réunir autour de lui une chorale de chantres, de jeunes filles et d’enfants qui fit l’émerveillement de Mgr Bardel et de tout le diocèse.

Dès lors, l’idée de la Schola était lancée. Mgr Bardel appela le curé de Fontaine-les-Bassets à Sées, en 1910 ; et, tout en lui confiant les orgues de la Cathédrale, qu’il devait tenir avec autorité pendant vingt-cinq ans, son évêque l’autorisa à réaliser sur un champ plus vaste cette école de chanteurs qui devait si rapidement acquérir tant de renom.

Le mérite de cette création fut grand : à cause des fins de l’institution : mettre à portée de tous la joie d’entendre les plus belles pages de la musique religieuse, données par ailleurs seulement à Paris ou en de rares villes de province. M. l’abbé Marais, dans le rapport qu’il rédigea sur le demande de la direction des beaux-arts, désigna la Schola comme une société de « décentralisation musicale ». Tous ceux qui sentent la grandeur du bienfait dont Dieu a comblé l’âme humaine en lui donnant d’aimer à Le chanter apprécieront à leur valeur une telle élévation de vues et le dévouement dispensé au service de cette cause.

Ce dévouement fut à la fois héroïque et audacieux, héroïque dans la mesure même de son audace.

Au point de vue des détail matériels, M. l’abbé Marais assumait toutes les charges, se faisant à peine aider : il gérait les finances, gardant pour lui le souci des risques et l’ennui des déficits ; il rédigeait la correspondance, assurait l’organisation des concerts, convoquait des centaines d’exécutants, leur communiquait les parties musicales à travailler, toutes annotées de sa main, engageait des solistes, discutait des cachets, négociait des réductions de tarifs avec les compagnies de chemins de fer et les directeurs d’hôtels. Il était véritablement, à lui seul, toute une administration.

Et la direction artistique n’apparaissait pas comme une charge moins écrasante. La volonté d’aboutir était chez lui au moins égale à l’amour de l’art. Il sut oser : oser prendre la responsabilité musicale d’une partition comme celle des Béatitudes, oser offrir l’audition d’une œuvre pareille après deux ou trois répétitions d’ensemble seulement, oser la défendre devant des auditoires peu habitués à de si hautes pensées. Il sut vouloir : forçant les résistances, maîtrisant ses fatigues, exigeant une obéissance indiscutée, imposant son interprétation : conduire un orchestre, diriger des chœurs, c’était suprêmement, chez lui, acte d’autorité.

La Schola vivait par lui. Et elle réalisa des merveilles. Son rayonnement régional fut considérable. Dans notre département, elle se fit entendre à Alençon, à Argentan, à Domfront, à Flers, à Laigle, à Sées, à Vimoutiers, au Mesle-sur-Sarthe, à La Ferté-Macé, à Gacé, à Carrouges, au Merlerault, à Moulins-la-Marche, à Bagnoles, à Echauffour, à Saint-Martin-du-Vieux-Bellême, et il faut omettre de mentionner un certain nombre de concerts de propagande. Hors de chez nous, progressivement le cercle s’élargit : Condé-sur-Noireau, Vire, Falaise, Lisieux, Caen, Honfleur, Le Havre, Bernay, Evreux, Elbeuf, puis, Le Mans, La Flèche, Mayenne, Laval, Fougères, Dol-de-Bretagne, Saint-Malo, Rennes, enfin Paris même, où trois auditions, l’une au Bon Théâtre, la seconde à Sainte-Clotilde, la troisième à Notre-Dame-des-Champs, consommèrent, note avec fierté l’énergique Directeur, « la consécration artistique de notre Association ». En tout, cent dix-huit concerts.

Et quels concerts ! Les Béatitudes, de Franck ; Rédemption et Ruth, du même auteur ; le Déluge, de Saint-Saëns ; le Polyeucte et la Rédemption, de Gounod ; le Maria, de Ryelandt ; le Miracle de Naïm, de Maréchal ; la Jeanne d’Arc, de Lenepveu ; le Crux et l’Abbaye, de la Tombelle. Parmi les œuvres plus anciennes, de nombreuses pièces vocales de Maîtres pré-renaissants et renaissants ; de multiples fragments des Cantates, de Bach ; du Messie et de Judas Macchabée, de Haendel ; de la Création, de Haydn ; le Requiem, de Mozart, enfin, l’exécution ultime, la dernière œuvre chantée par la Schola et dirigée par M. l’abbé Marais.

Incontestablement, au point de vue du retentissement immédiat, la grande œuvre de M. l’abbé Marais fut cette Schola Cantorum où il mit le meilleur de sa vie d’artiste. »

 

Extrait de l'allocution du chanoine Aubry lors des obsèques de l'abbé Marais le 26 septembre 1935.    

 

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